Refus de demandes d’asile pour les réfugiés religieux chinois en France : Le cas de l’Église de Dieu Tout-Puissant

Conference de presse à Paris le 9 mars 2018. Refus de demandes d’asile pour les réfugiés religieux chinois: Le cas de l’Église de Dieu Tout-Puissant (CAG)

Eric Roux
EIFRF
Paris, le 9 mars 2018
Conférence de presse

Les difficultés rencontrées par les membres de l’Eglise de Dieu Tout Puissant en France, en ce qui concerne leurs demandes d’asile, ne sont pas très différentes de celles qu’ils rencontrent d’en d’autres pays européens. Cependant, , je vais lister les raisons principales, qui à mon avis sont de mauvaises raisons soit dit en passant, pour lesquelles un pourcentage écrasant de demandes ont été rejetées en France. J’expliquerai aussi brièvement pourquoi, et comment la France peut améliorer sa vision des membres de l’Eglise de Dieu Tout Puissant, et sa connaissance de cette église, revoir ses décisions, et accorder l’asile à ces réfugiés authentiques.

Tout d’abord, en ce qui concerne les chiffres, il y a eu à ce jour 442 demandes d’asile en France par des membres de l’Eglise de Dieu Tout Puissant. 6 demandes ont été acceptées. 335 demandes ont été rejetées (ceci inclut 174 demandes qui n’ont pas eu l’opportunité de se faire entendre devant la Cour d’Appel, cette dernière ayant refusé de les entendre). Et 156 personnes ont déjà reçu un ordre de quitter le territoire. Il y a 101 cas qui ne sont pas encore examinés.

En ce qui concerne les rejets, de nombreux cas montrent une confusion entre les mouvements qu’on appelle « églises domestiques » et ceux qui sont inclus en Chine dans la liste des « xie Jiao » (« sectes maléfiques », ou plus exactement « enseignements non orthodoxes »). Si les premiers ne sont pas systématiquement persécutés, les seconds sont sans aucun doute une cible constante de persécution par les autorités chinoises, et ceci est inscrit dans le code pénal chinois. A cause de cette confusion, les tribunaux français ont plusieurs fois prétendu qu’il n’y avait pas de « persécution systématique », en se fondant sur le présupposé incorrect que l’Eglise de Dieu Tout Puissant est l’une des « églises domestiques », en ignorant sa présence sur la liste des « xie jiao ». Toutefois, de récentes décisions en France ont finalement reconnu qu’une persécution systématique existe en Chine contre l’Eglise de Dieu Tout Puissant.

La plupart des décisions de justice françaises se fondent sur un document publié par la DIDR (Division de l’Information, de la Documentation et de la Recherche), une division de l’OFPRA (Office Français pour la Protection des Réfugiés et des Apatrides), qui est en charge de récolter des informations afin de soutenir les agents de l’OPFRA dans le processus de prise de décision. Ce document a été compilé en se fondant sur les sources disponibles sur internet jusqu’à il y a quelques années, et ces sources étaient principalement de documents émanant de ou influencés par la propagande des antisectes chinois. La brochure de la DIDR contient de nombreuses erreurs qui donnent une fausse image de l’Eglise de Dieux Tout Puissant, de sa doctrine, de ses positions sociales, etc. Récemment, 4 universitaires de renom, spécialisés dans l’étude des religions, ont écrit à la DIDR afin d’offrir des données correctes sur le mouvement, en traitant une à une les erreurs contenues dans la brochure. La DIDR n’a pas encore répondu, mais il est certain que ces opinions d’experts devraient complétement changer la manière dont les autorités françaises prennent leurs décisions en ce qui concernent les demandeurs d’asile de l’Eglise de Dieu Tout Puissant.

La même chose se produit avec 3 documents sur l’Eglise de Dieu Tout Puissant publiés par le bureau de l’immigration et des réfugiés du Canada en 2013 et 2014, sur la base des informations disponibles à cette époque. C’est-à-dire avant que des études universitaires sérieuses commencent à être publiées. Ces documents canadiens ont été considéré comme faisant autorité en France. A nouveau, récemment les mêmes universitaires ont écrit une expertise qui a été envoyée au bureau de l’immigration et des réfugiés du Canada, en donnant des données mises à jour et précises sur l’Eglise et en demandant à ce que les documents canadiens soient corrigés. Paradoxalement, bien que ces documents canadiens soient souvent cités dans les décisions françaises, ils ne sont quasiment jamais cités dans les décisions rendues au Canada concernant les demandeurs d’asile de l’Eglise de Dieu Tout Puissant. D’ailleurs ces demandeurs ont vu leurs demandes acceptées au Canada dans la plupart des cas.

EN se fondant sur ces différents documents, plusieurs décisions négatives françaises ont conclu incorrectement que certains demandeurs d’asile n’étaient pas réellement des membres de l’Eglise de Dieu Tout Puissant, parce que leurs réponses durant les interviews ne correspondaient pas exactement avec les informations contenues dans la brochure de la DIDR et les documents canadiens. Ayant revu ces réponses, celles qui ont mené à des conclusions erronées, il m’apparait, et c’est aussi l’opinion des experts qui ont étudié en profondeur la doctrine de leur Eglise, que les demandeurs d’asile avaient présenté leur Eglise de manière correcte, et que c’était les autorités françaises qui étaient dans l’erreur. Pour donner un exemple, une décision a considéré que le fait qu’un membre « ne savait rien à propos de la prédiction apocalyptique du 21 décembre 2012 » était étonnant (et prouvait que le membre prétendu n’en était pas un). En fait l’Eglise de Dieu Tout Puissant n’a jamais promu une telle prédiction et ne l’a jamais considéré comme faisant partie de sa doctrine. Même les universitaires qui n’ont aucune affinité pour l’Eglise de Dieu Tout Puissant reconnaissent ce fait, et mentionnent que les membres de l’Eglise de Dieu Tout Puissant qui ont partagé l’enthousiasme qui régnait en Chine pour les prétendues prophéties Maya sur la fin du monde en 2012 ont été disciplinés par leurs leaders, certains ayant même été exclus.

Les autorités françaises ont considéré dans plusieurs décisions que le fait que les membres ont été capables de s’échapper de Chine, parfois avec l’aide d’officiers qui leur ont obtenu des passeports valides, était la preuve qu’il n’existait pas de persécution. Cela provient d’un réel manque de connaissance de la société chinoise. Une opinion d’expert récente, écrite par un professeur italien de sociologie, PierLuigi Zocatelli, qui a étudié les mouvements religieux chinois et l’immigration chinoise en Europe, explique très bien comment les émigrants chinois utilisent à leur avantage les faiblesses du système chinois, et parfois la corruption qui règne en Chine, pour obtenir des passeports valides, alors que théoriquement ils ne devraient pas pouvoir les obtenir.

Certaines décisions, quoique reconnaissant la persécution qui touche l’Eglise de Dieu Tout Puissant, ont considéré que le demandeur d’asile ne pouvait pas prouver qu’il occupait une position proéminente au sein de l’Eglise, et qu’en conséquence il ne risquait pas d’être persécuté s’il était renvoyé en Chine. Cet argument est de courte-vue. Le code pénal chinois, tel qu’il est interprété habituellement par les tribunaux chinois, est tout à fait clair sur le fait que le simple fait d’être « actif » dans un groupe listé comme « xie jiao », est un crime puni par de la prison, peu importe que le membre occupe une position proéminente ou qu’il soit un simple fidèle. Donc le risque de persécution, de même que la peur d’être persécuté, critère établi par les Nations Unies pour obtenir le statut de réfugié, existe aussi pour les membres qui n’occupent pas de position proéminente au sein de l’Eglise.

Comme mentionné précédemment, quelques décisions de la Cour National des Demandeurs d’Asile (CNDA) ont reconnu la persécution systématique des membres de l’Eglise de Dieu Tout Puissant. Il s’agit là d’une évolution positive, qui, si elle est confirmée par des décisions ultérieurs, ouvrira la porte à des décisions plus justes concernant les demandeurs d’asile de l’Eglise. Ces dernières années, la production de littérature académique sur l’Eglise de Dieu Tout Puissant a considérablement augmenté. De nombreux documents fiables ont été produits, et pour la première fois il est possible de comprendre la doctrine de cette église chinoise particulière, et les difficultés auxquelles elle est confrontée en ce qui concerne sa persécution en Chine. Il est donc de la plus haute importance que les autorités françaises se familiarisent avec cette littérature académique, afin de corriger les données sur lesquelles elles se sont fondées à cause d’un manque de sources fiables dans le passé.

Il n’y a pas de doutes que l’Eglise de Dieu Tout Puissant subit une persécution en Chine. Il n’y a pas de doute que ses membres sont confrontés à un risque réel et immédiat d’être jeté en prison pour des raisons d’affiliation religieuse s’ils sont renvoyés en Chine, où des milliers d’entre eux ont eu à subir des tortures et au moins 30 ont perdu la vie en prison. Alors qu’il est tout à fait compréhensible que les autorités françaises veuillent s’assurer que les demandeurs d’asile sont réellement des réfugiés légitimes, plutôt que des migrants économiques prétendant être persécutés, les décisions concernant ceux qui prétendent être des membres de l’Eglise de Dieu Tout Puissant devraient être prises avec une réelle connaissance de cette église, fondée sur des études en profondeur, et non sur une propagande antisecte chinoise ou des écrits de journalistes qui n’ont fait que répéter cette propagande.

Ce qui est en jeu ici n’est pas une question mineure. Ce qui est en jeu, c’est la sécurité d’êtres humains persécutés, et pour les membres de cette Eglise, c’est une question de vie ou de mort. Renvoyer en Chine des membres de l’Eglise de Dieu Tout Puissant revient à se faire complice de la persécution qu’ils auront à subir. Bien qu’il soit compréhensible que des erreurs se produisent lorsqu’il y a un manque de données disponibles pour prendre des décisions adéquates, cette excuse n’existe plus aujourd’hui. Des données fiables existent, et elles doivent être étudiées avec soin et prises en compte par les autorités françaises.